CONSEIL MUNICIPAL DU 19 DECEMBRE 2005-
INTERVENTION D’ANDRE BAUP, conseiller municipal MRC
« ANNIVERSAIRE DE LA LOI DE SEPARATION DES EGLISES ET DE L’ETAT »
M. le Maire, mes chers collègues,
Vous nous gratifiez, très régulièrement de manifestations municipales concernant… anniversaires, commémorations, inaugurations, etc…cela, très souvent avec justesse, d’autres fois avec une pointe d’opportunisme et quelques fois ces manifestations répondent à votre besoin intangible de communication, mais… elles ont le mérite d’exister !
J ai eu beau scruter les différents plannings des manifestations municipales ces derniers mois, je n’ai pas trouvé la moindre trace d’une commémoration du centenaire de la « loi de séparation des églises et de l’état », dite loi de 1905.
Et pourtant, la laïcité est au cœur de l’idéal républicain qui vous anime, c’est une pierre angulaire d’un combat de deux siècles, combat des forces de progrès contre les obscur
Je n’ai pas la prétention de combler cette lacune, mais, si vous le permettez, Mr le Maire, j’aimerais m’exprimer sur ce sujet. Auparavent rendons hommage à un hebdomadaire tarnais « l’Echo du Tarn » qui a célébré cet anniversaire en menant un débat digne de ce nom. Cet hebdo a même poussé le débat en titrant en première page : « Laïcité : tout le monde y croit ! » , et en contrepoint, ses affichettes publicitaires annonçaient : « La loi de 1905 est-elle obsolète ?» .
La laïcité a gagné en France définitivement, elle est ailleurs dans le monde une idée qui fait son chemin et il ne faut céder en aucune manière à cette mode masochiste consistant à croire la République au bord du gouffre, la France en plein déclin et les valeurs laïques en voie de disparaître. Au contraire, la laïcité à la française fait école et la France continue de montrer le chemin
Un siècle est passé. La liberté de culte est gar
Oui, avec la loi du 9 décembre 1905, la France a pris cent ans d’avance. Elle a montré au monde qu’il était possible de séparer l’Etat et l’Eglise, le politique et le religieux, la loi et la foi, sans que le ciel ne nous tombe sur la tête !
Aujourd’hui, dans un monde menacé par le choc des civilisations, la laïcité est le seul principe, le seul moyen pour faire vivre ensemble des êtres humains aux croyances et aux origines si différentes. Les mois qui viennent de s’écouler ont montré l’impasse du communautarisme. En Grande-Bretagne, les attentats du 7 juillet dernier ont montré que l’intégration dans l’enfermement communautaire était illusoire. Les terroristes étaient des enfants du pays, qui semblaient bien intégrés selon les normes du multiculturalisme. Aux Etats-Unis, le cyclone qui a ravagé la Nouvelle Orléans, a montré que dans la plus grande puissance du monde, la pauvreté continue à coller à la couleur de la peau. Des siècles d’existence séparée ne s’effacent pas par quelques mesures de discrimination positive chère à Nicolas Sarkozy, car même positive, une discrimination reste une discrimination.
J’entends déjà tous ceux qui, peut-être parce qu’il n’aiment pas notre pays, ricaner et s’écrier en chœur : vous oubliez la crise des banlieues, elle a prouvé l’échec de votre modèle républicain. J e les rassure, je n’oublie rien du tout.
Seulement, le mois dernier, en France, il n’y pas eu de crise des banlieues. Il y a eu dans les banlieues une expression violente de la crise française. Je ne joue pas sur les mots, ce ne serait pas responsable. Les mesures prises par le gouvernement ne sont que des rustines et ne règlent rien sur le fond. La crise française trouve son origine, depuis plus de trente ans, dans le chômage de masse et la démolition voulue du modèle républicain. La République n’est pleinement elle-même que si elle est la République sociale, que si chaque citoyen subvient par son travail à ses propres besoins, en dehors de ceux qui doivent bénéficier de la solidarité nationale. Le modèle républicain exige l’emploi. Aussi, le modèle républicain ne permettra pas l’intégration, c’est-à-dire le vivre-ensemble, l’accès à la citoyenneté et la participation égalitaire de tous à la société, tant que persistera un chômage de masse. Le modèle républicain ne fonctionnera pas tant que, lorsque les Français exprimant démocratiquement leur souhait d’une autre politique, comme ils l’ont fait le 29 mai dernier, on change le Premier Ministre, mais on poursuit la même politique. Il devient alors normal que la crise se manifeste avec virulence au niveau du maillon le plus faible de la société française. Celui-ci se trouve dans les banlieues, où le taux de chômage, surtout parmi les jeunes, est le plus élevé.
Quand on veut noyer son chien on l’accuse de la rage, de même, lorsqu’on est contre la République, on dit que le modèle républicain est en faillite et qu’il faut l’achever. Dans ce vandalisme législatif dont est menacée la République, on se propose de toiletter, d’adapter ou de moderniser la loi de 1905. En réalité, d’aucuns voudraient l’abroger pour laisser s’instaurer, en France, le communautarisme. A qui cela profiterait-il ? D’abord, aux intégristes de toutes confessions qui veulent subordonner la loi civile à leur vérité révélée et faire reconnaître par la loi la compétence des tribunaux religieux, pour les questions de statut personnel notamment. Ensuite, à ceux, souvent les mêmes, qui ont une vision ethniciste du monde, qui pensent qu’un homme se définit par rapport au sang et au terroir. Ensuite, aux forces politiques rétrogrades qui comptent sur les clergés et les religions pour être les instruments de contrôle social d’individus soumis. On a bien vu récemment des personnalités religieuses convoquées à cet effet par les autorités de la République. On a entendu récemment une association prendre, au nom de l’islam, un décret religieux concernant l’ordre public, sans émouvoir les autorités de la République.
Je n’oublie pas non plus que le communautarisme trouve un écho dans quelques officines de gauche et à l’extrême- gauche, et je le déplore.
Voilà pourquoi, vraiment, on ne peut pas « adapter » la loi de 1905. Celle-ci en effet, pose le principe que la religion, toute religion, relève de la sphère privée et se situe hors de l’espace public. Or, on ne peut être à la fois dans l’espace public et en dehors. On n'aménage pas un principe, on le respecte, ou on le transgresse. Aux religions, anciennes ou nouvelles, de s'en accommoder. Et surtout, qu’on ne nous dise pas qu’il faut modifier la loi pour l'adapter à l'islam, sous prétexte que l’islam n’existait pas en France métropolitaine, il y a cent ans ! C’est donner aux extrèmistes islamistes un pouvoir qu’ils n’ont pas. Regardez l’application de la loi sur les signes religieux à l’école publique. Nombre d’observateurs nous avaient promis une guerre scolaire. Or les cas non réglés, au niveau national, n’excèdent pas quelques dizaines. Les associations islamistes n’ont jamais fait descendre dans les rues des milliers de personnes. Elles ont testé la résistance des républicains et des laïcs et, lorsqu’elles se sont aperçues qu’elles étaient infiniment minoritaires, elles ont baissé pavillon. Tirons-en une leçon : quand la laïcité s’affirme clairement, elle n’est pas contestée. Cessons donc d’être sur la défensive !
La laïcité n’a pas besoin d’être adaptée. Elle doit au contraire être affirmée parce qu’elle est le moyen de vivre harmonieusement ensemble dans l’espace public avec nos diversités, pleinement respectées dans la sphère privée. La laïcité est la condition de la citoyenneté. Pour qu’ils deviennent citoyens, l'école de la République doit apprendre aux enfants à penser par eux-mêmes dans le respect de la liberté des autres, en dehors de tout dogme et en dehors de tout clergé. Le dogme est cette prétendue vérité, venue d’ailleurs, qui veut s’imposer sans discussion au débat public.
Comme toute loi républicaine, la loi du 9 décembre 1905, portant séparation des Eglises et de l’Etat est une loi qui libère. Elle assure la liberté des citoyens, qui peuvent croire ou ne pas croire. Elle assure la liberté de l’Etat, qui peut légiférer en dehors de toute intervention extérieure au débat public. Elle assure la liberté des religions, qui peuvent s'organiser comme elles l'entendent, tant qu'elles ne troublent pas l'ordre public. Elle a permis de parvenir à l’égalité des sexes, au droit pour les femmes de choisir leur vie et de maîtriser leur corps, acquis intangibles que les intégristes de toute confession cherchent aujourd’hui à saboter, remettant en question le droit au divorce et à l’avortement, proposant de tolérer la polygamie et l’excision au nom du « droit à la différence ».
Cette question de la laïcité est au cœur de tous les débats présents et à venir, et, la réponse que nous lui donnerons dépend de la continuation de la France républicaine, de cette Nation citoyenne où chacun est égal en droits et en devoirs, quelle que soit son origine ou sa croyance.
Merci, chers collègues d’avoir bien voulu m’écouter jusqu’au bout.
Publié par André Baup Maire-Albi