Le PS (comme tous les grands partis) a toujours été le lieu de coexistence de visions très opposées sur des problèmes majeurs.
Sans remonter jusqu'à l'opposition majeure Jean Jaurès/Jules Guesde à la fin du XIXe, puis à celle de Guy Mollet/Daniel Meyer après la Libération (avec un courant ultra-gauchiste de Marceau Pivert), le PS de l'ère Mitterrand a été marqué par le conflit permanent (qui n'était pas un conflit de personnes) entre Mitterrand et Rocard (dont il a été obligé de faire son Premier ministre pendant trois ans, bien malgré lui).
L'idée de l'unité du PS est un mythe, c'est vrai pour tous les grands partis, et pas seulement en France.
La question qu'il faut se poser est : pourquoi ces tendances opposées n'arrivent-elles plus à cohabiter de façon efficace, comme autrefois (parce qu'elles arrivent quand même à cohabiter : grâce aux efforts de Hollande, aucune, sauf Chevènement, n'a quitté le parti) ?
Je crois que c'est, tout simplement, parce que le parti n'a plus de doctrine.
Ce qui opposait Jaurès à Guesde, Mollet à Meyer, Mitterrand à Rocard, c'étaient vraiment des visions différentes du socialisme ; paradoxalement, ils arrivaient à cohabiter parce que leurs conflits étaient réels et permanents, qu'il y avait un vainqueur et un vaincu en permanence, mais que le vaincu espérait bien devenir majoritaire un jour, et jouait le jeu en attendant.
Or, la différence, aujourd'hui, c'est qu'entre Royal, Delanoë, Aubry, Moscovici, DSK et Fabius (les autres, c'est un peu différent, mais ils sont trop marginaux), il n'y a plus aucune différence de vision du socialisme. Parce qu'il n'y a plus, chez aucun d'entre eux, aucune vision du socialisme. Leurs discours sont totalement creux, leur antisarkozysme de principe sans propositions alternatives crédibles ne peut pas constituer une base suffisante pour une autre politique.
Et les opinions publiques ne s'y trompent pas : l'impopularité de Sarkozy ne profite pas au PS, la majorité des Français ne pensent pas qu'il ferait mieux ; il en est de même partout en Europe, où toutes les gauches perdent le pouvoir les unes après les autres, parce qu'elles sont incapables de penser ce que pourrait être une politique de gauche dans l'Europe telle qu'elle est et dans l'économie globalisée telle qu'elle l'est.
Alors, pour en revenir au PS français : précisément parce qu'il n'y a plus de vision politique, il ne reste que les luttes de personnes ; qui n'ont plus, pour les maintenir dans certaines limites, comme autrefois, ni une vision différente de celle de la droite, ni des visions différentes entre elles justifiant l'affrontement dans le cadre d'un parti qu'il faudrait préserver pour y triompher - un peu comme deux équipes adverses de foot préservent en bon état le stade où elles doivent s'affronter, mais n'ont plus aucune raison de le faire si elles ne savent pas exactement à quel jeu elles sont venues jouer.
Il n'y a plus que des luttes d'ambitions personnelles, chacun reprochant aux autres, en toute hypocrisie, ses "magouilles", alors qu'il serait si simple de se rallier tous à lui (ou à elle), pour mener, sous son autorité, la même absence de politique.